Affaire Pageau : les prévenus ont la mémoire qui flanche


PAPEETE, le 15 mai 2018 - En ce deuxième jour de procès de l’affaire dite « Pageau », les prévenus ont, pour la plupart, eu de grandes difficultés à se remémorer leur implication dans les divers dossiers pour lesquels ils sont pourtant poursuivis. A la barre, Jehan Morault, considéré par la justice comme le « bras droit » de Thierry Pageau a reconnu les faits, expliquant qu’il n’était qu’un « homme de paille. »

Parmi les prévenus entendus par le tribunal correctionnel ce mardi, les témoignages de Jehan Morault, considéré comme le « bras droit » de Thierry Pageau, et de l’ex-compagne du principal mis en cause, ont longuement retenu l’attention des magistrats. Jehan Morault s’est avancé à la barre avec son oncle, un garagiste qui avait fait de nombreuses fausses factures à la demande de son neveu. Bien que la justice le soupçonne d’être une pièce importante dans cette vaste affaire d’escroquerie en bande organisée, M. Morault a affirmé qu’il ne faisait qu’exécuter les ordres de Thierry Pageau : « il voulait absolument combler les SNC avant la fin de l’année et il me mettait la pression. Il me disait de demander dans mon entourage et de me démmerder» L’homme avait d’ailleurs déclenché la colère de son ami en créant sa propre société et en percevant des rétrocessions. Apprenant cela, Thierry Pageau lui avait ordonné de redistribuer cet argent à son entourage. A la barre du tribunal, ce dernier s’est défendu avec son assurance habituelle : « dans le milieu de la défisc, tout le monde a la pression ! »

Indulgence et naïveté

Entendue par le tribunal en début d’après-midi, l’ex compagne de Thierry Pageau et mère de ses deux enfants, a invoqué sa « naïveté » et son « indulgence.» Bien qu’elle ait été la gérante de nombreuses sociétés pour lesquelles elle avait signé de multiples fausses factures, la jeune femme s’est retranchée derrière l’emprise exercée sur elle par Thierry Pageau : « Quand je l’ai rencontré, je n’avais que 19 ans. Il avait une espèce d’aura et me semblait charmant, j’étais admirative. Il savait apporter confiance et faire voir les choses de manière sécurisante. » Alors que le président du tribunal l’interrogeait, lui rappelant qu’elle avait personnellement participé à ces escroqueries, elle a de nouveau abordé l’influence que son compagnon aurait eu sur elle : « Il ne me demandait pas de réfléchir, il me demandait de signer. »

Les autres prévenus interrogés en ce deuxième jour de procès, des apporteurs d’affaires pour Thierry Pageau, ont semblé amnésiques. Tous ont déclaré ne pas se souvenir des faits reprochés, allant même jusqu’à oublier, pour certains, le contenu de leurs casiers judiciaires.

Le procès continuera ce mercredi avec l’audition de Thierry Pageau et de sa mère.

Me Boulleret, conseil de Jehan Morault : « Rien ne passait sans instructions de M. Pageau. »

On voit aujourd’hui la défense de Thierry Pageau, qui face à votre client, prétend qu’il n’était pas au courant.

« C’est sa ligne de défense et c’est habituel avec M. Pageau. M. Morault, lui, assume toutes ses responsabilités et je pense que le tribunal ne sera pas dupe de cette ligne de défense. »

Comment votre client explique-t-il être entré dans ce système de fausses factures ?

« A l’époque, il était sans emploi. Sa situation personnelle et financière était difficile. Il a rencontré M. Pageau qu’il connaissait depuis plusieurs années parce qu’ils avaient fait une partie de leurs études ensemble en Nouvelle-Calédonie. Celui-ci s’est montré très persuasif puisqu’il avait besoin d’un gérant de droit et ne pouvait plus l’être. Il cherchait donc un homme de paille et M. Morault a dit oui pendant un certain temps. »

Dans le système Pageau, si l’on écoute le tribunal, votre client apparaît comme étant le « bras droit » de M. Pageau. Sa participation vous semble-t-elle aussi significative ?

« Sa participation est significative mais je le répète, c’était l’homme de paille de M. Pageau plutôt que le bras droit. Rien ne passait sans instructions de M. Pageau. C’est lui qui disait quelle personne il fallait aller voir, quel dossier il fallait valider. Il mettait la pression à mon client afin de boucler les SNC avant la fin de l’année. C’est également lui qui fixait des objectifs pharamineux face auxquels M. Morault a fini par dire : « ce n’est plus possible, je ne te suis pas. »

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 15 Mai 2018 à 16:30 | Lu 1060 fois